Pour 73% des directeurs retail régionaux interrogés par Kaptain Charlie en 2021, le plus gros risque considéré était qu’un directeur de magasin ne sache pas convaincre ses équipes de l'intérêt de réaliser un plan d’action prioritaire donné par l’enseigne. Cette vision est-elle partagée par les directeurs de magasins ?
Être directeur de magasin est un métier particulièrement dense. De 7h à 20h, les responsables font de longues journées : ils sont là pour préparer l’ouverture et partent rarement avant la fermeture. Un phénomène accentué en ville par des plages horaires plus tardives, par exemple, liés à la réouverture de plus en plus de petits points de vente de la part des grandes enseignes qui avaient délaissés les centres villes : A2pas, Franprix…
Un directeur de magasin doit être capable de tout comprendre dans le magasin dont il est le responsable : gestion administrative et financière, supervision des flux, animation commerciale et surtout management … Qu’il soit simple vendeur ou responsable de rayon, toutes les personnes travaillant dans le magasin sont sous sa supervision.
Et plus la surface est grande, plus le challenge est important : difficile de connaître aussi bien les produits charcuterie que les jeux vidéos, et leurs équipes de ventes respectives. Sans compter une de ses plus grosses missions, celle de gérer le planning horaire de ses équipes, qui demande doigté et précision.
Bref, le directeur de magasin doit avoir l’oeil sur tout : mise en place, propreté, attitude du staff avec les clients, emploi du temps des employés... Mais il doit également rendre des comptes, car il est le garant du respect des consignes transmises par l’enseigne.
C’est là le paradoxe de ce métier où une très forte autonomie est nécessaire. Car s’il faut une capacité de compréhension globale des enjeux de son magasin et des chiffres quotidiens, c’est pour savoir sur quels leviers agir dans le but de respecter les objectifs fixés… au niveau national, voir international.
Et dans l'autre sens, il lui faut comprendre le sens de ces consignes données en amont par les directeurs régionaux ou les responsables de secteurs afin de les faire comprendre à leurs équipes. Une tâche qui n'est pas toujours simple, car le respect de ces consignes donne souvent l'impression aux directeurs de manquer de liberté.
Les magasins ont vécu un épisode sans précédent avec la pandémie, source de nombreux changements. Cet équilibre déjà délicat entre autonomie et application des consignes a connu un basculement avec la mise en difficulté de la plupart des enseignes du retail .
Désormais, les directeurs régionaux ne sont plus que 15% à considérer que les directeurs de magasins sont comme “ des chefs d’entreprise responsables de leur compte d'exploitation “. Pour 65% d’entre eux , ils sont avant tout en 2022 “ des personnes en charge d’appliquer les directives de l’enseigne pour améliorer la performance de leur magasin“. Et nombre de directeurs de commenter que si la question leur avait été posé en 2019, ils auraient pourtant mis en avant la vision version chef d’entreprise…
Les directeurs régionaux ne sont plus que 15% à considérer
que les directeurs de magasins sont comme
“ des chefs d’entreprise responsable de leur compte d'exploitation “ .
Car oui, le principal risque identifié par la hiérarchie est qu’un directeur de magasin ne sache pas convaincre ses équipes de l'intérêt de réaliser un plan d’action prioritaire, par exemple faire comprendre les raisons d’un projet, d’une méthodologie de travail, l'intérêt d’atteindre une performance, etc. Pour 73% des interrogés, cette question est prioritaire.
Or, dans la journée d’un directeur magasin, il est très difficile de trouver le temps nécessaire pour prendre du recul sur ses chiffres et ceux communiqués par l’enseigne. On lui demande une vision globale, qui s'inscrit dans une vision au niveau du groupe. Cette vision est compliquée à intégrer à ses briefs quotidiens avec ses équipes en l’absence de recul, lui même induit par le manque de temps.
Les enseignes, de plus en plus exigeantes, mettent en avant la figure de chef d'entreprise dans leur recrutement, mais prouvent le contraire sur le terrain où l'on demande d'exécuter avant tout la politique globale. Les enseignes se doivent donc de fournir à cette nouvelle figure du “super-directeur” des outils à la hauteur de leurs exigences. Une transformation à peine amorcée par le Covid, et qui pourrait rendre le métier méconnaissable d’ici quelques années.
Sources
- enquête Kaptain Charlie & Hyper growth en 2021 menée auprès de + de 60 directeurs régionaux
- https://www.lsa-conso.fr/directeurs-de-magasin-les-cles-de-la-reussite,47343
- https://www.capital.fr/entreprises-marches/comment-lenseigne-grand-frais-seduit-les-clients-et-les-investisseurs-1393069