Cédric Angelier, du cabinet Alpha & Omega, forme des équipes dans le retail depuis bientôt 15 ans. Il décortique avec nous ce qui fait aujourd’hui un bon responsable de point de vente et les évolutions du secteur.
J’ai d’abord été consultant informatique pour des clients dans la grande distribution.Je les accompagnais sur le terrain dans l’installation de logiciels et la mise en œuvre des outils. L’ aspect accompagnement m’a plu, et j’ai finalement décidé d’en faire mon métier. Je forme désormais des managers qui ont pour problématique principale : comment m’approprier les indicateurs financiers et comment former et aider mes équipes à se les approprier aussi ?
L’immersion totale chez le client ! Je prends le temps de visiter 3 ou 4 magasins de l’enseigne, si possible avec des implantations différentes ( centre ville, ZAC... ). Je m’installe d’abord devant le magasin, j’observe, puis je joue le client. Rien ne vaut d’amener du concret en formation et pas seulement des “ on m’a dit que ... “ : on obtient alors de vrais échanges.
C'est d'autant plus important que la plupart du temps, les groupes de managers de l’enseigne avec qui je vais travailler auront suivi les mêmes séquences de formation. Il y a de fortes chances que les mêmes erreurs ( ou les mêmes points forts ! ) se retrouvent ! J’accompagne également à la compréhension des chiffres. Le diagnostic peut se faire assez rapidement, mais mon travail est de les aider à aller plus loin : comment analyser de manière globale et manager en fonction de ces chiffres. Ce n’est pas un exercice facile pour les responsables de points de vente !
Être un bon responsable point de vente, cela se joue avant tout au niveau du comportement.
D'abord, il faut être présent sur la surface. C’est une attitude encore assez courante dans la distribution alimentaire où le manager met facilement la main à la pâte, mais de moins en moins en distribution spécialisée. Or, donner un coup de main en caisse, observer les vendeurs, aller à la rencontre des clients... C’est la meilleure manière d’obtenir des informations utiles.
Ensuite, l’exemplarité. On est sur des conditions de travail intenses : les amplitudes horaires sont fortes, avec des journées typiques qui vont de 9h à 20h, sans oublier une ouverture dominicale de plus en plus fréquente. Un bon responsable est présent à l’ouverture, à la fermeture, et lors des pics de fréquentation. Si le jour le plus important est le samedi par exemple et que le responsable est absent, c’est vraiment problématique !
" Avant tout, il faut être présent sur la surface [...] cela se fait pourtant de moins en moins en distribution spécialisée"
Enfin, être courageux.
Je parle de courage vis à vis de son équipe mais aussi vis à vis du siège ! Les directeurs de magasins ont parfois du mal à souligner ce qui est bien ou au contraire à recadrer leurs équipes. À l’inverse, ils refusent parfois de servir de tampon entre le siège et leurs équipes : face au personnel, ils vont accuser le siège, mais paradoxalement, ils ne feront pas remonter les difficultés du terrain. Le processus d'amélioration est alors bloqué.
Kaptain Charlie détecte les difficultés en magasin et propose des solutions en direct.
J’en vois deux principales. La première, le manque de compétences managériales. Souvent issus du terrain, ce qui est positif sur certains points, ils n’ont néanmoins la plupart du temps pas pu éprouver ces compétences là. En tant qu’anciens vendeurs, ils sont très bons sur l'aspect business et le commerce, mais on a parfois négligé de les former suffisamment.
En deuxième, le fait qu’ils soient dans la réaction et non l’anticipation. Issus du terrain, ils ont justement parfois du mal à s’en extraire afin de prendre du recul et avoir une vision globale. Il faut un vrai reboot de la manière de penser quand on devient responsable de point de vente !
Une grosse difficulté vient du fait que les enseignes attendent d’un directeur qu’il anticipe. Mais les journées d'un directeur de magasin sont tellement chargées que les directeurs n'ont pas toujours les moyens ou les outils de la part de l’enseigne pour dégager ce temps essentiel.
" Ils sont souvent dans la réaction et non l’anticipation. Issus du terrain, ils ont justement parfois du mal à s’en extraire afin de prendre du recul et avoir une vision globale clients. "
La formation est un levier essentiel. Mais par manque de temps et d’argent, la plupart des enseignes vont faire ces formations en interne. Cela représente un gros risque de répéter les mêmes erreurs sur de nombreuses années. Un des obstacles pour proposer des formations de qualité étant que les décideurs sont des acheteurs, et tous n’ont pas la fibre RH nécessaire à l'évaluation de la dite formation. Les enseignes aujourd’hui essaient de proposer des outils de développement des compétences en interne, mais c’est plutôt insuffisant. J’ai déjà eu le cas, à la fin d’une session, d’une personne venue me remercier car c'était sa première formation en 10 ans d’ancienneté !
Accompagner les directeurs de magasins, cela signifie aussi au niveau de son N+1 de dégager assez de temps à ses managers sur une semaine ou un mois pour leur permettre de prendre de la hauteur, seuls ou avec le N+1. Le but serait alors de ne pas être dans le vertical ni le descendant, de l’enseigne au terrain, mais bien l’inverse. Cela, c’est un vrai levier d’amélioration des performances.
Kaptain Charlie fait des suggestions personnalisées pour chaque magasin.
Il faut connaître son marché... et pour cela, encore une fois, ils n’ont pas trop le choix : il faut prendre le temps de prendre du recul !
Un bon indicateur, c'est la comparaison, c’est avoir la capacité de se dire : “ J’en ai un [ un produit, un vendeur, un magasin] qui explose les scores, quelles pratiques vertueuses pour les appliquer chez moi ? “
Or, certains responsables ont horreur de benchmarker, et les enseignes ne fournissent pas vraiment de données sur l'environnement immédiat. Ou seulement des données de comparaison internes, qui ne seront utiles que si le responsable prend le temps de les étudier.
Le relevé de prix chez la concurrence immédiate est une pratique moins répandue qu’elle ne l’était. Cela relève pourtant de la responsabilité des managers de se renseigner. Il faut être acteur de sa performance. Ensuite, il faut être capable de déchiffrer un bilan pour diagnostiquer des améliorations possibles. Je rappelle souvent en formation cette équation comme grille de lecture. (Voir notre article : KPI retail : votre performance magasin repose-t-elle sur la bonne équation ? )
Je dirais qu’on était beaucoup plus orienté chiffres il y a une quinzaine d'années. On attend désormais beaucoup plus de capacités managériales. La vraie grosse différence, c’est de devoir prendre en compte un client qui a profondément changé : il est ATAWAD (any time anywhere any device).
Le client ne va pas “ juste “ rentrer en magasin. Il peut désormais rentrer avec un but très différent en tête : récupérer une commande, évaluer en physique avant de commander en ligne, ou à l’inverse venir vérifier en physique les repérages faits en ligne... Étonnamment, c’est un gros changement de paradigme qu’un certain nombre de managers semblent avoir du mal à prendre en compte ! Le magasin n’est plus qu’un élément dans une trame bien plus vaste. D’où la nécessité de maîtriser un minimum les données marketing par exemple, pour une compréhension globale. Le chiffre n’est qu’un clignotant, un point d’alerte.
Comme je le disais, on attend beaucoup plus des responsables de points de vente d’être des managers / formateurs que d’être de bons vendeurs. On attend de lui qu’il détecte par exemple dans son équipe des talents à mettre au service de l’enseigne : soit une personne à faire évoluer, soit des best practices à répéter. On lui demande beaucoup moins de chiffres et d’indicateurs avec l’automatisation et l’informatique de gestion.
Avant, il était responsable du reporting : ce n’est plus le cas. Le siège est beaucoup plus rapidement informé. Mais en contrepartie, il y a plus de travail RH et de décisions à prendre à partir des consignes de l’enseigne qui descendent également beaucoup plus vite.
C'était il n’y a pas très longtemps ! Le but était de former des directeurs de magasin à faire eux même des formations à leurs équipes. Nous avons déroulé ensemble l’envers du décor d’une formation, comment la structurer, comment mesurer le succès d’une équipe. Humeur et esprit étaient au rendez-vous ... Mais surtout, ils continuent plusieurs mois plus tard de me faire des feedback.
Autrement dit, être un bon directeur de magasin, cela ne se fait pas une bonne fois pour toute. Ils doivent mesurer leur progression et celles de leurs équipes, comme moi en tant que formateur! De mon coté, il y a une vraie posture de coach sur le long terme, et c’est ce dont ils ont besoin.
Kaptain Charlie est le coach virtuel des directeurs de magasin.