Des soldes “catastrophiques “ , des soldes “ plombées par le manque de fréquentation” , un bilan des soldes “ en demi-teinte” … Depuis la fin de cette traditionnelle démarque hivernale, la presse se fait défaitiste. A tort ou à raison ?
En Île de France, 78% des commerçants interrogés par la chambre du commerce ne sont pas satisfaits des soldes hivernales de ce début d’année.
D’après eux, c’est avant tout la crise sanitaire qui est la cause de cet insuccès. Pêle mêle, on y trouve la généralisation du télétravail qui cause une réduction des badauds, la peur du nouveau variant omicron beaucoup plus transmissible, sans compter la diminution du nombre de touristes dû aux mesures de précaution sanitaire aux frontières …
On le sait, cette crise a également accéléré les commandes en ligne, considérées comme plus sûres. Grâce à cet engouement, en cette période de soldes, le chiffre d'affaires des grandes enseignes est néanmoins globalement positif. Ce qui n'est, malheureusement, pas le cas des boutiques indépendantes ne disposant pas de ce levier. Mais cette mauvaise saison était-elle si inattendue ?
En hiver 2020, ce sont les mouvements sociaux liés à la réforme des retraites qui étaient accusés de nuire aux soldes, en été 2019 la canicule, en hiver 2019 les gilets jaunes… Sans compter des sonnettes d’alarmes tirées dès 2006 par le CREDOC ! Il apparait clairement que la pandémie ne peut pas expliquer à elle seule cet échec commercial.
Un autre raison est invoquée pour expliquer l’insuccès de ces dernières soldes : la quasi-permanence des opérations de réductions tout au long de l’année. On trouve des ventes privées tous les mois, en ligne ou en magasin, via certaines applications, ou via des programmes de fidélité. Sans compter l’arrivée, par exemple, d’opérations homologues aux soldes comme le Black Friday, qui s’immisce doucement mais sûrement dans nos habitudes françaises…
Mais là encore, rien de nouveau. Les achats effectués lors de promotions ponctuelles ont dépassé les achats en période de soldes… depuis 2010. Autrement dit, c’est une tendance qui s’est durablement imposée dans le paysage commercial français. Une tendance qui peut s’avérer épuisante pour des acheteurs sur-sollicités.
Ceux-ci ne voient donc plus l’utilité de se déplacer en magasins pour bénéficier de réductions auxquelles ils ont accès autrement le reste de l’année. Mesurer l’impact de ces opérations et ne plus seulement compter sur les réductions des soldes pour assurer la bonne marche annuelle de son magasin est donc désormais primordial.
Cette prégnance des réductions permanentes est particulièrement observable en ligne. Plus sûr, plus simple, les commandes en ligne ont augmenté car elles ont beaucoup facilité la vie des consommateurs ces deux dernières années. Mais aussi parce que mieux cernés, les visiteurs se voient proposer des offres plus personnalisées et attractives. Autrement dit, si seuls les prix cassés attirent et poussent à l’achat lors des soldes, ce n’est plus un attrait suffisant pour que le client se déplace en magasin…
Sans compter que cette augmentation du volume des commandes en ligne représente un avantage majeur en terme de gestion globale des stocks pour les marques ! Ce qui réduit d’autant plus la raison d’être initiale des soldes : écouler les stocks pour faire de la place aux nouveaux articles. La vente à perte est autorisée lors de ces périodes particulières, uniquement pour cette raison logistique essentielle au bon fonctionnement des commerces. Une raison qui s'effrite petit à petit.
Les soldes sont en effet désormais dans la ligne de mire des nouvelles générations désireuses de mieux consommer. Les soldes dans le secteur de l’habillement ont pu être l'occasion d’abus graves qui dénaturent d’autant plus cette opération au départ seulement logistique. Un reportage de 2019 dénonçait le fait que certaines marques faisaient fabriquer des articles de moindre qualité exprès pour ces périodes de soldes !
Face à cette perte de confiance et pour trouver des solutions sur le long terme, le secteur de la seconde main a littéralement explosé : une augmentation de 140% l’année dernière. En 2021, Vinted, le leader du secteur de la vente de seconde main entre particuliers, a quant à lui levé ¼ de milliards. Le tout sur un marché de la mode de seconde main qui devrait peser 2,2 milliards de dollars d'ici à 2025 (chiffre Statita).
Autrement dit, les soldes sont de moins en moins pertinentes dans un monde retail post-pandémique à flux tendu, où l’achat en ligne devient la règle et le magasin l'exception. De quoi réfléchir aux moyens de réenchanter et maximiser l'impact de chaque visite en magasin …
Sources